La femme Le parfum

Sylvaine Delacourte, directrice de création chez Guerlain, se prête au jeu de l’interview sur la relation entre la femme et son parfum.

Bonjour Sylvaine, selon vous, que représente le parfum pour une femme ?
De nos jours, le parfum est devenu une manière d’exprimer sa personnalité. La femme se parfume d’abord pour se sentir bien et en accord avec elle-même. La relation qu’elle entretient avec son parfum est intime. Ce sont ses expériences passées, son patrimoine olfactif lié à son enfance, à son parcours qui vont la guider vers le choix d’un parfum qui reflètera son identité.
Ce rapport au parfum a beaucoup évolué. Autrefois, le parfum était surtout un moyen de séduction pour la femme, notamment au début du XXème siècle, à l’époque où des fragrances telles que Shalimar ou L’Heure bleue ont été créées. Le parfum revêtait un caractère de luxe et de privilège, car les fragrances étaient destinées aux femmes des classes bourgeoises, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. Et comme il n’existait qu’une concentration : l’extrait, la manière de se parfumer était également très différente.

Aujourd’hui encore, le parfum est considéré comme une arme de séduction pour la femme, comment le mettez-vous en scène dans vos créations ?
Une femme est séduisante lorsqu’elle porte un parfum qui lui correspond, qui la touche et qui lui ressemble. Olfactivement, séduire, c’est surtout marquer ceux qu’on aime en laissant une empreinte de soi dans l’esprit des autres. Et c’est avec un parfum avec lequel on est en harmonie que l’on séduit ; puisque c’est en étant bien avec soi-même, que l’on rayonne.

Qu’est-ce qui vous inspire, chez une femme, pour la création d’un parfum ?
C’est le lien émotionnel qui m’inspire le plus. Aujourd’hui, les parfums sont souvent testés avant leur lancement, à l’aide de tests « esthétiques » et « hédoniques », c’est-à-dire évoquant la notion de plaisir. Les parfums Guerlain, par exemple, se révèlent surtout dans l’aspect hédonique. C’est ce plaisir que procure son parfum à une femme, qui nous intéresse. C’est pourquoi nous privilégions de belles matières premières, afin d’apporter du relief et de la complexité au parfum, une dimension qui parle au coeur.

Quelles sont les notes et les matières premières que vous aimez travailler, lorsque vous créez un parfum pour femme ?
Même si je préfère les notes vanillées et poudrées, j’essaie de me lancer des défis, en renouvelant un accord de manière inédite. C’est ce challenge qui consiste à sortir des clichés et des sentiers battus qui me passionne. Je n’adore pas la rose, par exemple, mais j’ai voulu l’affranchir de son aura romantique, dans Rose Barbare, en la poussant vers un univers chypré, pour qu’elle se fasse plus sensuelle, sombre et sophistiquée.

Lorsque vous travaillez sur la création d’un parfum, imaginez-vous une femme en particulier, pour dessiner ensuite un parfum qui lui ressemble ?
Je ne pense pas spécifiquement à un type de femme lors de la genèse d’un parfum. C’est plutôt une envie d’esquisser un style de féminité, liée à l’émotion, qui prime. Aujourd’hui un parfum n’est plus, pour une femme, un simple accessoire comme un beau sac à main, mais d’abord le prolongement de soi. C’est cette dimension intérieure de la féminité que j’ai envie de traduire olfactivement, dans la création.

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